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 le souvenir s'estompa et devint rapidement flou, comme un négatif de polaroïd laissé au soleil. (emrys)

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Rhys Baye

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Rhys Baye

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MessageSujet: le souvenir s'estompa et devint rapidement flou, comme un négatif de polaroïd laissé au soleil. (emrys)   le souvenir s'estompa et devint rapidement flou, comme un négatif de polaroïd laissé au soleil. (emrys) EmptyDim 16 Déc - 15:22

Des jours. Oui, c'est tout ce que je sais. Voilà des jours maintenant, que la sanction est passée, que le poing dans la figure s'est écrasé, que le venin a coulé avec nonchalance sur la figure de l'un comme de l'autre. Je ne pourrais dire exactement le nombre, ni si ça fait maintenant des semaines. Juste, des jours qui filent et défilent comme d'habitude, parfois avec rapidité ou bien lenteur, tout dépendra de l'intéressement. Pour tout dire, au départ, je restais là, assis sur le rebord de la fenêtre, à regarder sans vraiment voir. Me poser des questions existentielles, ressasser le passé, pleurer un coup puis me mettre une claque mentale - encore plus belle que le poing que j'ai pu lui coller dans la figure. M'arrive souvent de le regarder, de détailler mes doigts sans savoir pourquoi. Peut-être un peu de regret en fin de compte, mélangé avec un goût amer dans le creux de la gorge. Le regret, c'est pour les autres, et certainement pas pour un Baye. J'aime à penser que depuis que je l'ai vu, ce crédo est devenu celui de la famille. Il ne regrette pas, alors pourquoi jouer le rôle de celui qui passe sa vie à attendre en pleurant ? Les choses ont été dites, les cartes posées sur table mais ... Outre le bien que peuvent faire les mots, ils peuvent aussi faire le mal. Et ça, Emrys le savait pertinemment ce jour-là. Attaquer sur un angle, sur un autre, lancer le couteau pour bien remuer mon coeur histoire qu'il ne soit plus qu'une bouillie infâme et malodorante. L'habitude de jouer sur un terrain glissant, hein ? Faut croire que c'est une habitude à prendre, maintenant. Difficile de s'avouer qu'en deux temps et trois mouvements, tout a fini par réellement se casser la gueule. Mais, c'est ainsi, c'est la folie maladive, la poisse de la famille qui ne peut que nous poursuivre et les années de joie qui nous explosent à la figure. Sale couleur, sale odeur, mais plus le temps passe, et plus j'aime à croire que je finirais par ne plus faire attention. Oui, aimer à croire, mais le faire vraiment, c'est une autre histoire. Ne pas le croiser, ne plus le voir, éviter comme il a su si bien le faire durant maintenant neuf années. On se tire comme des voleurs, pour revenir encore plus poisseux qu'à la base. On aime à croire que la vie nous offrira de l'or, des bijoux, des trésors, mais c'est la bonne vieille méthode du cercle vicieux. Un cas sur deux, tu réussis à tomber tellement royalement, que ton visage en est parfaitement amoché, du sang qui dégouline et qui fini un jour par se transformer en des croûtes foncées. Emrys surement ma plus grosse blessure, celle qui reste et à la place de cicatriser, elle s'infecte, devient purulente et dégouline des pores de ma peau. L'effet d'un microbe, d'une maladie incurable. Baye numéro un, le plus beau des cancers, le plus affreux des antidotes. Quitte à jouer dans la cours des grands, autant s'en accommoder, vivre avec. Il y a bien des gens qui perdent des yeux, des jambes, des bras mais qui vivent leur vie sans en perdre une miette. Pourquoi je serais une exception ? Parce que toi, c'est pas à l'extérieur, c'est à l'intérieur que ça s'casse. T'es plus qu'un tas de verre pilé. Secouant ma tête à cette mauvaise graine qui s'insinue dans mes pensées, je papillonne des yeux tout en essayant de me reconcentrer sur ma tâche. J'ai presque oublié pourquoi je suis venu ici, Laive-York. Pas la plus belle des villes, mais pas la plus dégoutante non plus. Dans le top trois des villes ici, la plus jolie à regarder reste St-John, après nous avons Laive-York, puis pour finir, Lucieville. Chercher des bouquins dans cette immense ville pour les mettre dans la petite bibliothèque de la dernière des villes. Chose faite, le papier dans les doigts, je le froisse alors et le jette dans le vent.

Maintenant, le but du jeu reste de trouver la sortie et surtout, ne pas me perdre. Même si cette ville n'est pas la plus belle à regarder selon moi, elle n'en reste pas moins vicelarde. Les rues sont parfois étroites, il y a des magasins absolument partout et il n'est pas difficile de se retrouver à l'autre bout sans vraiment comprendre pourquoi. Passant ma main libre sur ma nuque, je pince ma lèvre inférieure. Me retrouver dans le temps, dans l'espace, m'accrocher à quelque chose, un panneau ou ... Je n'en sais rien. Je suppose que je suis dans la rue marchande, oui, ça me parait logique vu les enseignes. Il y a de tout, des vêtements, des meubles, c'est un bazar ambulant, bien loin de ce que je connais à Lucieville. Oh pas qu'il n'y a rien, mais c'est presque ça. Rares sont les fois où je suis venu poser mes pieds ici, à regarder de plus près les vitrines. Durant un instant, je vois une petite tâche sur le tableau. Tu parles d'une belle découverte. Des pompes funèbres en plein milieu d'une galerie marchande, pourquoi pas, c'est original, mais glauque en tout point. Je pince ma lèvre inférieure et déguerpis vite fait en voyant le regard d'un vieux type se jeter sur moi. Pressant le pas l'air de rien, je longe alors le long de la rue, sauf que. « (...)RYS. » Une voix rauque qui s'amuse à rebondir sur les murs et à arriver sur mes oreilles. Je fronce mes sourcils, ne portant pas plus attention, je dois avoir la berlue. Ouais, c'est ça. Haussant simplement les épaules, petit à petit, j'entends le son se rapprocher. « BAYE NOM DE DIEU ! » Et là, je m'arrête d'un coup sec. Bien, d'accord, là il n'y a plus photo et visiblement, personne d'autre ne s'arrête pour vérifier. Je suis le seul Baye et un murmure d'outre tombe me demande de me retourner. Ce que je fais d'ailleurs par la suite, et mon coeur rate un bond en voyant le vieux type des pompes funèbres. Un frisson me traverse l'échine. Il me fiche les jetons. Des cheveux grisonnants, un air rachitique, des lunettes sur le nez et des yeux affreusement clair. Emrys était maître dans l'art de vous dévorer l'âme de l'intérieur, mais je crois que lui, là, il vous la gobe d'un coup de langue. Je le connais pas, inconnu au bataillon, et pourtant, lui, il connait mon nom de famille ? L'interrogeant simplement du regard, je n'ose pas dire un seul mot. « Emrys c'est quoi ce foutoir ? Tu comptais ne pas bosser aujourd'hui ? » Il me suit partout, c'est ça ? C'est la poisse qui veut ça ? Ou tout simplement, le fait que nous ayons le même visage. Pourtant, il y a des détails qui ne trompent pas, ne trompent plus. Rien que pour le mode vestimentaire, la manière de se soigner de l'un comme de l'autre, ou, je sais pas, même la longueur des cheveux. « Je suis, vraiment désolé mais vous vous plantez de personne. » Tant bien que mal, je rebrousse alors chemin, lui faisant dos. C'est alors que mon corps bloque, à peine ais-je eu le temps de faire un pas que je me sens arraché vers l'arrière. Le vieux a une sacré force, mais des mains fébriles, qui tremblent mais tiennent bien malgré tout mon poignet avec fermeté. C'est ça la nouvelle méthode maintenant ? A la place de vous virer on vous jette au boulot comme un animal ? Superbe la méthode, malgré mes jérémiades, il ne veut pas m'écouter, joue le sourd. Comme d'habitude, c'est la ressemblance qui joue des tours et l'âge ne doit certainement pas l'aider dans son discernement. Quelques secondes, quelques minutes et je me retrouve dans une pièce, jeté comme dans une cage, et bien évidemment, le spectacle auquel j'ai droit est tout sauf agréable. Mon estomac se contracte alors à la vue de cet énorme, frigo. Ouais, il y fait pas très chaud, et face à moi, une sorte d'armoire géante en métal. Pas la peine de cogiter trop longtemps pour savoir ce qu'il y a dedans. Oh non, ce n'est pas du pain, ni des gâteaux. La mort rôde un peu partout, et il suffit d'ouvrir un seul tiroir pour voir quelqu'un. Une femme, un homme, même un enfant. Emrys travaille avec des macchabées. Emrys. Travaille. Avec. Des. Macchabées. Le temps n'attends plus, le temps ne peut que pourrir ce qu'il reste de nos carcasses. Celui qui se détache le plus des évènements étranges, s'amuse malgré tout à rendre l'apparence des morts plus agréable. Pinçant machinalement ma lèvre inférieure, je m'avance timidement dans cet espace de travail. Une table au centre, avec quelques instruments - on se croirait dans un bon vieux remix de film d'horreur -, et des personnes congelées qui n'attendent que le moment propice pour se faire chouchouter. Sans réellement comprendre les raisons de mon geste, je me retrouve alors avec un tiroir ouvert, et dedans un visage pâle, aussi blanc que la neige, des yeux clos, des cheveux d'ébènes et des bleus un peu partout. Mon doigt se pose alors sur sa joue. Froide, cristallisée dans l'éternité. Sourcils froncés par une certaine tristesse, je ne respire que par la bouche, n'osant ouvrir mes narines - l'odeur d'un corps en décomposition doit tout sauf être agréable, malgré le fait qu'il ai passé beaucoup de temps dans le froid. Je me met à la détailler un peu plus pour deviner les raisons de sa mort. Je doute que ce soit de vieillesse, elle parait jeune. La vingtaine surement. Puis, ma main se permet une curiosité, celle de regarder les poignets et une grimace s'attache à mon visage en voyant le massacre. Du moins, il parait presque plus beau à regarder. Des traces, une profondeur, quelques entailles et puis, elle se retrouve ici. Mon coeur se mettant à battre à tout rompre contre mon torse, j'ose imaginer la famille en pleurs, la découverte de la scène et puis ... Un claquement. J'ai refermé son tombeau sans vraiment m'en rendre compte. Perturbé, un violent frisson me traverse l'échine. Macabre, dégoutant, vomitif sur tout les points. Aimer la compagnie des morts, c'est tout un art et je commence à me dire qu'Emrys doit apprécier ça. Ils ne causent pas, ne murmurent pas et évitent tout contact. Marionnettes aux fils coupés, aux yeux fermés. Ils ne font que dormir, un bon gros sommeil sauf que là il n'y aura personne pour réveiller. Lui préfère les vivants sans souffles de vie, moi je préfère la compagnie des esprits. Au bout du compte, les deux manières de voir les choses se complètent. Le corps n'existe pas sans l'esprit. Mais, sur ce coup, je me met à penser que je suis le corps cassé et lui l'esprit affuté. Je reste planté là, durant l'espace d'un instant. Le vieux bougre a dû retourner à l'accueil, pendant que moi, penaud, je ne peux bouger plus. Attendre sa venue et dans ce cas, je pourrais partir l'air de rien, en un coup de vent. Haussant les sourcils, je lève mes yeux sur le plafond, blanc. Tout est blanc, gris, mais tout est bon pour vous exploser la rétine dans toute sa splendeur. J'appréhende sa venue, son retour en force et surtout de voir sa tête. Je suppose que mon coup a dû avoir des dégâts sur son pauvre visage, je crois bien que sa lèvre a été joliment amochée. J'imagine déjà son regard haineux, sa langue de serpent sortir de ses lèvres et qu'il dise de me tirer aussi vite que je suis venu. Un rire sec envahit la pièce, le mien et rien d'autre. Les souvenirs se floutent, fondent dans ma tête comme neige au soleil. Ne plus trop penser, ne plus sentir son coeur se faire griffer, jouer le bel indifférent. Et la seule occupation que je trouve est de regarder fixement cette table au centre, une petite mallette se trouve non loin. Maintenant ouverte, je prends entre les doigts quelque chose en plastique. Utilisé surement pour les yeux, pour leur donner une rondeur, qu'ils ne se creusent pas. Toujours regarder, écouter, rester là comme le dernier des crétins, tendre le bâton pour se faire battre, donner son cou pour avoir le coup de hache.
C'est le monde des morts qui se croise avec celui des vivants.
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